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Stéven Le Hyaric, entre quête de sens et aventures extrèmes

Dernière mise à jour : 27 sept.

Stéven Le Hyaric fait partie de ces individus dont le parcours inspire et interpelle. Ancien cycliste d’élite, il s’est réinventé en aventurier, embrassant une vocation qui le mène bien au-delà des courses sur route, vers les terrains les plus inhospitaliers de la planète. Son projet actuel, baptisé '666', est un périple extraordinaire à travers 6 des déserts les plus redoutables sur 6 continents, étalé sur 6 mois. Ce défi, audacieux et symbolique, est le reflet d’une transformation personnelle profonde et d’un fort engagement envers les enjeux environnementaux de notre époque.


Photos : Pehuen Grotti, Floé Reporter, Erisphère


C’est un oiseau rare. De ceux que l'on pense indestructibles, que l'on n’imagine flancher pour rien au monde. Pourtant, derrière l’armure, l’homme a des fragilités, il a souffert mais c’est aussi ce qui l’a poussé à changer de vie. Radicalement. Stéven Le Hyaric incarne l’archétype de l’aventurier moderne : un explorateur du monde physique et intérieur, dont la quête est à la fois personnelle et universelle, guidée par le courage, la curiosité et un engagement sans faille.


Le virage dans la vie de Stéven s’amorce en 2017 lors d’un voyage marquant au Népal. Loin des courses cyclistes et des compétitions, il se découvre une passion pour la méditation silencieuse et les ascensions en haute montagne. « J’ai tellement appris pendant ces 20 jours de méditation silencieuse et plus globalement pendant ce séjour au Népal. C’était comme un training camp du bonheur. J’ai pu rencontrer des gens très apaisés, notamment Matthieu Ricard. C’était fort. Cette période a été très importante », confie-t-il, évoquant le moment de révélation qui l’a poussé à repenser son rapport au sport et à l’aventure. « Dans l’avion du retour, je me suis demandé à quoi bon faire des documentaires sur tout ça… J’avais besoin d’une valeur plus forte ». C’est dans cette quête de sens qu’il conceptualise le projet 666, motivé par une prise de conscience aiguë des défis climatiques actuels. « J’ai fait une grosse dépression. Je me suis rendu compte qu’on était dans un monde fini », explique-t-il, soulignant l’urgence de sensibiliser à la désertification et aux bouleversements écologiques. Il décide donc de monter un projet avec un chiffre un peu provocateur. 666, le chiffre du diable. La traversée de 6 déserts sur 6 continents différents en 6 fois 1 mois d’aventure. Le compte est bon.


" Je me suis rendu compte qu'on était dans un monde fini"

La crise climatique, un sujet autrefois relégué aux marges des discussions publiques, s’impose alors au cœur de son engagement. « C’est un sujet qui existe depuis 50-60 ans mais tout le monde s’en fout et on en parle vraiment depuis quelques années seulement ». Avec ce projet 666, Stéven se lance dans une odyssée à la fois physique et symbolique, cherchant à mettre en lumière les effets dévastateurs du réchauffement planétaire et la beauté sublime mais fragile de notre Terre.


Des températures qui varient de -7 à +47 degrés


La préparation pour un tel périple est titanesque. Physiquement, mentalement et logistiquement, chaque aspect doit être méticuleusement planifié. L’introduction de ce projet a été un Paris-Dakar. 20 jours, 5 600 kilomètres en traversant le Sahara par une route asphaltée puis Stéven s’est élancé en juin 2021 pour le premier opus de son projet 666 en Namibie avec la traversée des déserts de Kalahari et Namib. Là-bas, les conditions extrêmes testent les limites de l’endurance humaine. « Je roulais entre 200 et 250 kilomètres par jour avec des températures qui variaient entre -7 degrés la nuit et parfois jusqu’à +47 degrés en pleine journée. Et surtout avec des degrés d’hygrométrie proches de zéro », explique-t-il. « Donc quand on me dit qu’il n’a pas plu depuis six mois, c’est un clin d’œil et je me dis que ce sera peut-être notre monde dans quelques années ».


Au cœur des territoires arides et souvent isolés, Stéven a eu l’occasion unique de croiser le chemin de communautés et de peuples dont les modes de vie sont intimement liés aux paysages désertiques qu’ils habitent. Parmi eux, les Himbas de Namibie, un peuple nomade dont la relation avec la terre et l’eau témoigne d’une sagesse ancestrale et d’une résilience face aux défis environnementaux. « C’était difficile de communiquer avec eux mais j’ai énormément appris notamment en ce qui concerne l’optimisation de l’eau et de leur territoire ».


"Je passe énormément de temps seul mais le temps choisi et le temps subi ne sont pas la même chose"

La solitude, double tranchant


Ces rencontres font partie intégrante de son périple mais elles sont doublées d’un voyage intérieur marqué par la solitude et le silence de ces vastes étendues désertiques. Si d’un côté, cette solitude est recherchée, presque sacrée, elle devient de l’autre une épreuve quand elle est peuplée de douleur et d’incertitude. C’est dans ce paradoxe que Stéven trouve et perd parfois son équilibre. « C’est difficile à gérer. J’ai toujours été solitaire. Je passe énormément de temps seul mais le temps choisi et le temps subi ne sont pas la même chose » confie-t-il en exprimant la complexité de ses sentiments. « C’est particulier parce que j’ai également un besoin viscéral de partager et de transmettre mes expériences, c’est cette capacité à donner du sens à mes efforts qui me donne une force immense ». Comme une bouée de sauvetage, transformant chaque défi en une histoire à raconter, une leçon à partager.


La philosophie derrière l'effort


Après la Namibie en 2021, le cyclo aventurier s’est lancé à l’assaut du désert de Gobie en octobre 2022. 15 jours, 2 300 kilomètres et jusqu’à -20 degrés ressentis entre le nord de la Chine et le sud de la Mongolie. Puis en novembre 2023, rebelote, cette fois au Chili, dans le désert Atacama, le plus aride du monde. Là encore, les chiffres font frémir. 20 jours, 4 000 kilomètres, 40 000 mètres de dénivelé positif, en autonomie totale. Toujours plus loin, plus vite.



Pour Stéven, l’aspect sportif et la quête de performance ont longtemps été des moteurs essentiels. Ces ambitions, bien qu’initialement ancrées dans une dynamique de compétition et peut-être un brin d’orgueil, ont évolué. « Je suis en train de muter vers quelque chose qui sera plus proche de l’apaisement » avoue-t-il. « J’ai fait beaucoup d’ultra endurance ces dernières années, des compétitions internationales pour me prouver quelque chose et j’ai aussi pris beaucoup de coups dans la tronche ». Ces chiffres astronomiques sont comme une quête, il va les chercher, il ne s’en cache pas. « Alors évidemment, il y a un truc d’ego et d’orgueil parce que ça n’impressionne personne si je fais 60 ou 80 kilomètres par jour. Mais en même temps, j’ai compris que lorsque l’on est dans un tel effort physique, on est à la limite, on est dans la difficulté et il y a une espèce de flou qui s’ouvre, un espace de méditation et cet effort permet d’arriver à cette phase où rien n’est grave. Donc pour avoir mon mental concentré, il faut que je pousse un peu ».


"J'aime bien le jeu mais je n'aime pas forcément l'enjeu"

Pousser encore et toujours les limites de son corps. Un paradoxe pour celui qui ne se retrouvait plus dans les valeurs de compétition lorsqu’il concourait au cœur du peloton. « J’aime bien batailler contre moi-même et j’aime bien l’apprentissage. Mais ce que je n’aime pas, c’est qu’on devient complètement con parce qu’il y a un objectif uniquement de résultat et ça détruit pleins de choses et de relations dans la vie. Gagner et réussir mais ça veut dire quoi ? Dans mes défis, je me mets des timings qui sont raisonnables. Même s’il n’y a jamais rien d’impossible, ça me fait peur mais je pense que je suis capable de le faire. Alors que lorsque je suis en compétition avec des gens autour, j’aime bien le jeu mais je n’aime pas forcément l’enjeu ».


Les défis physiques, loin de n’être que des épreuves d’endurance, sont pour Stéven des leçons de vie. Chaque douleur, chaque obstacle surmonté, est une victoire sur lui-même, un pas de plus vers une compréhension plus profonde de sa propre nature. « Je déteste souffrir mais en même j’adore cette sensation de me dire que j’apprivoise quelque chose ». Cette approche de la douleur et de l’effort, presque philosophique, lui permet de transcender les aspects les plus brutaux de ses expéditions pour y trouver une beauté et une satisfaction inégalées. « Lorsque je suis pendant 10 heures ou 15 heures sur un vélo, je passe par des phases de douleurs, que parfois je déteste, mais il y a un tel sentiment d’accomplissement à côté, qu’on oublie vite la douleur. Les paysages et les rencontres permettent ça aussi. Ça nous emmène vers des territoires qui sont absolument bouleversants. J’ai des journées qui sont très dures mentalement mais quand il y a du sens derrière, ce n’est pas la même douleur ».



Le sens profond de l’aventure


Aujourd’hui, Stéven a accompli la moitié de son projet 666. Alors qu’il se prépare à affronter le désert australien puis les deux déserts glacés, il fait face à l’incertitude avec une confiance forgée par des années d’expérience. Ces nouveaux défis, aussi physiques que psychologiques, sont accueillis non pas avec une peur paralysante, mais avec la résolution de celui qui a appris à embrasser l’inconnu.


"C'est beau de me dire qu'il fallu 30 ans pour me trouver"

Au-delà de la quête personnelle, ces voyages portent en eux une interrogation sur le sens de la réussite et de l’accomplissement. Là où la performance est souvent mesurée en termes de résultats tangibles, il est la preuve que les plus grandes victoires sont celles remportées sur nos propres doutes, nos peurs, et notre propension à rester immobiles face à l’inconnu. « Je suis beaucoup plus apaisé. Avant, j’étais malheureux et en colère parce que je n’étais pas à ma place et aujourd’hui je suis certainement là où je dois être. Mais c’est beau de me dire qu’il m’a fallu 30 ans pour me trouver, faire quelque chose qui me plaît et gagner ma vie en prenant du plaisir parce qu’il y en a qui ne trouvent jamais. Je me dis donc que je suis chanceux. Mais il a fallu tellement de difficultés, tellement de doutes, tellement de douleurs pour arriver là où je suis maintenant. Il faut toujours garder espoir et croire en ses rêves ».


En cette année 2024, il s’élancera sur la traversée des déserts Gibson et Simpson, un double projet autour de 4 000 kilomètres, au cœur des vastes étendues australiennes. « Ça sera soit durant l’été, soit en fin d’année. Traverser deux déserts et un pays continent, ça va être quelque chose ». Il lui restera alors deux derniers déserts, ceux de glace qui, initialement, étaient prévus comme ses premiers défis, mais il a décidé de les reporter, estimant qu’il n’était pas encore prêt pour ces épreuves extrêmes. « Je doute toujours. J’ai toujours peur de ne pas réussir et de ne pas être assez préparé mais je fais tout pour limiter les doutes et les risques. Je suis toujours à 100 % au départ de mes projets et ensuite on voit. Il faut accepter cette zone d’incertitude et faire au mieux ».


Alors qu’il regarde vers l’avenir, avec ces projets audacieux, il porte en lui la sagesse des anciens et la curiosité d’un enfant. Il sait que chaque nouvelle aventure est une opportunité d’apprendre, de grandir et de se rapprocher un peu plus de la réponse à la question ultime : « Quel est le sens de tout cela ? ».


À travers ses initiatives et ses projets, Stéven Le Hyaric incarne et promeut un mode de vie où l’aventure et l’engagement envers soi-même et envers la planète sont indissociables. Son histoire est unique. C’est la sienne. Mais elle nous invite à chercher notre propre chemin, à affronter nos peurs avec courage et à embrasser la beauté de la vie dans toute sa complexité. En partageant son récit, Stéven espère inspirer d’autres à prendre le large, à chercher leur propre aventure, et à découvrir, à leur tour, ce qui rend leur vie vraiment significative.



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