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Reda Guehria, à la conquête des profondeurs

Moniteur d’apnée et pionnier de cette discipline dans la région d’Annecy, Reda Guehria nous entraîne dans un monde où l’esprit s’unit à l’eau pour une expérience transcendante.


Photos : Vincent Roux


Natif d’Annecy, Reda Guehria est tombé amoureux de l’eau dès son plus jeune âge, guidé par son père dans les dédales aquatiques du lac. La nage sous-marine était son royaume, puis l’apnée est progressivement devenue une révélation. Il se souvient : « J’adorais nager sous l’eau. Mon père faisait beaucoup de chasse sous-marine. L’eau était un élément naturel pour moi ». C’est dans les eaux paisibles de son enfance qu’il forgea sa connexion avec l’élément, un lien indissociable qui allait ensuite largement façonner son destin.

" Ils pensaient qu'on était des fous ou des suicidaires "

À l’époque, la discipline n’est pas vraiment reconnue. Pire, elle n’est pas considérée du tout et entourée de préjugés. Alors en 2010, accompagné de copains, Reda fonde le premier club d’apnée d’Annecy. « Que ce soit la fédération de plongée dont dépend l’apnée ou les directeurs de piscine, ils étaient tous réticents. Il y avait un gros travail de communication pour rassurer les gens » se souvient Reda. Si les institutions sportives étaient sceptiques, voire hostiles, face à cette pratique émergente, il a donc fallu un travail acharné de communication et de sensibilisation pour changer les mentalités et établir la légitimité de l’apnée en tant que sport sérieux et sécurisé. « Ils pensaient qu’on était des fous ou des suicidaires. On ne nous prenait pas forcément au sérieux mais avec le temps on a su obtenir la confiance des personnes et des infrastructures ».



Démystifier l’apnée, un défi de tous les jours


Briser les mythes autour de cette discipline était alors essentiel. « L’apnée nourrit beaucoup de fantasmes en ce qui concerne le côté spirituel mais à l’époque, c’était plutôt des fantasmes d’accidents ou de folie. Dans le film “Le Grand Bleu”, à la fin, il y a cette image du mec qui se suicide. Il a clairement fallu faire face à cette méconnaissance et démystifier tout ça ».


Pour Reda et son équipe, l’objectif est donc de sensibiliser et d’éduquer le public sur les aspects sécuritaires et les bienfaits de cette discipline. « Déjà, il a fallu expliquer que l’apnée est un sport. Simplement ça. Un sport qui nécessite de l’entraînement avec des règles de sécurité bien précises ». Les compétitions officielles furent organisées, les règles de sécurité renforcées, et les institutions sportives invitées à témoigner de la rigueur et du professionnalisme qui régnaient autour de la discipline. Petit à petit, les préjugés cédèrent la place à la compréhension.


Une plongée dans l’inconnu


C’est aussi pour ça que Reda s’est battu pour valoriser sa discipline. Car l’apnée procure des sensations uniques. Dans les profondeurs, le temps semble suspendu, les mouvements fluides et gracieux. Chaque coup de palmes, chaque battement de cœur résonne dans le silence profond. Chaque immersion est une étreinte avec l’inconnu. « En apnée, on est en immersion complète » confie Reda. « Cela va favoriser l’introspection parce qu’on est beaucoup moins sollicité au niveau des sens. À partir du moment où on est dans l’acceptation, l’apnée permet d’avoir un certain lâcher prise. On ouvre alors la porte à un plaisir profond. La clé est d’être dans un climat de confiance donc il faut que la sécurité soit claire et comprise ».

" C'est très libérateur "

L’apnée est bien plus qu’une simple exploration physique. C’est aussi un voyage vers le calme intérieur, une méditation en mouvement où les pensées s’apaisent et les émotions se fondent dans l’océan infini de la conscience. « Plonger en apnée, c’est un peu plonger en soi. C’est de la méditation puissance 10. Parfois, il arrive que des gens pleurent lors de la pratique. Les émotions remontent. C’est très libérateur pour certaines personnes qui peuvent être confrontées à un flux d’émotions. »


Au-delà des bienfaits physiques évidents, l’apnée apaise les esprits tourmentés, aide à gérer le stress et les émotions, et développe des compétences mentales essentielles telles que la concentration et la résilience. Pour Reda qui a notamment créé la première section dédiée aux jeunes de la région, les bénéfices sont également importants chez les adolescents : « Par exemple, certains parents me disent que pour les ados excités, l’apnée va les calmer, les changer. » Chaque plongée est donc un acte de méditation, une exploration de soi qui ouvre les portes de la connaissance et de la sagesse. «Personnellement, ça m’a permis de me recentrer, de me calmer et d’être plus attentif, plus ouvert à l’autre. »


En apnée, le temps semble s’étirer, chaque seconde compte. Reda souligne justement l’importance de la patience, de savoir prendre le temps nécessaire pour se préparer mentalement et physiquement. Être dans un état de bien-être est essentiel, car tout stress ou tension peut compromettre la plongée. « Il faut savoir se laisser le temps. Il faut être relâché pour que ce moment ne soit que du plaisir. »


Dahab, la mecque de l’apnée


L’apnée exige une préparation physique et mentale rigoureuse. Reda explique l’importance d’un entraînement régulier pour développer les capacités nécessaires à une plongée réussie. Les sports d’endurance et les exercices de résistance sont particulièrement

recommandés, car ils permettent de renforcer le corps et d’augmenter la capacité à gérer le lactate, un facteur crucial en apnée.


Si la discipline s’est considérablement développée ces dernières années, son expansion ne devrait pas s’arrêter de sitôt. À mesure qu’elle gagne en popularité et en reconnaissance, de nouvelles opportunités émergent pour les passionnés et les athlètes. Les clubs se multiplient, les compétitions fleurissent, et l’apnée s’inscrit de plus en plus dans le paysage du monde aquatique.

" Plonger en apnée, c'est comme plonger en soi "

Et puis, il y a ces endroits où l’apnée fait émerger son plus beau côté artistique. Pour Reda, c’est le Blue Hole de Dahab en Égypte. Un trou de 90 mètres au milieu d’une barrière de corail avec 30 mètres de visibilité. L’eau est chaude, il n’y a pas de courant et très peu de vagues. « C’est merveilleux, c’est un peu la mecque de l’apnée » juge Reda. « J’aime aussi beaucoup aller dans les lacs d’altitude, les rivières ou faire de l’apnée sous glace ».


Bref, chaque plongée est unique, une aventure sans fin, une exploration infinie de soi-même et de l’élément. Reda Guehria, lui, incarne le courage et la détermination pour animer cette communauté encore grandissante. Son histoire est celle d’un homme qui a suivi sa passion, ouvrant la voie à de nombreuses personnes qui, eux aussi, se sont trouvés dans les abysses parfois mystérieux.



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