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Jérémy Bigé, voyage aux confins de l'Asie Centrale

Dernière mise à jour : 27 sept.

Homme de défis et d’horizons lointains, Jérémy Bigé incarne l’esprit d’aventure dans sa forme la plus pure et inspirante. À l’été 2022, il s’est lancé dans une expédition audacieuse à travers les contrées montagneuses du Tian Shan et du Pamir Alaï. Ce voyage de plus de 2 000 km et 90 000 mètres de dénivelé, n’est pas seulement un exploit physique mais aussi une quête personnelle profonde, un voyage à travers les paysages majestueux et les cultures ancestrales d’Asie Centrale.



« Je n’ai pas suivi la ligne la plus directe mais aujourd’hui, j’en suis là ». Dans ses expéditions comme dans la vie, Jérémy Bigé n’a jamais été du genre à suivre un itinéraire tout tracé. Il a toujours préféré bifurquer et entreprendre une déviation volontaire des sentiers battus, une exploration de chemins moins fréquentés menée par son désir d’autonomie et de lien profond avec l’environnement naturel. Bien qu’issu d’une formation d’ingénieur, il s’est rapidement dirigé vers des professions qui lui permettaient de s’immerger dans l’aventure et la découverte. Pendant les mois d’hiver, il est moniteur de ski, tandis que l’été, il se retrouve accompagnateur en montagne. « Je n’étais pas destiné à faire ces métiers-là mais j’ai un peu fui le chemin traditionnel à la recherche d’un contrôle de mon temps » explique-t-il.


Un véritable équilibre entre passion et profession, entre la recherche d’aventures extrêmes et la transmission de son amour pour la nature. Aventurier au long cours, Jérémy a toujours été attiré par l’idée de repousser les frontières de l’exploration personnelle et géographique. Son expédition en Asie Centrale en 2022 n’était pas son premier voyage, mais plutôt l’apogée d’un parcours semé d’aventures et de découvertes.


“ Je me prenais au jeu de décrire dans mon carnet le nom des cols qui n’étaient pas sur les cartes “

En 2018, au cours d’une année sabbatique pendant ses études d’ingénierie, il s’est lancé dans une traversée mémorable de l’Himalaya népalais d’est en ouest avec des amis.


Une aventure qui l’a profondément marquée et qui s’est révélée être un déclic pour la suite. « C’était la première longue marche que je faisais. C’était un peu plus confortable car on était en groupe mais c’était aussi la découverte de la définition du terme “aventure” ». Cette passion pour les longues marches l’a conduit par la suite à traverser les Pyrénées par la Haute Route Pyrénéenne en 2020, puis l’année suivante à s’aventurer dans les Balkans de la Croatie jusqu’au Kosovo.


Chacune de ces expéditions a été une étape dans sa quête de liberté et d’authenticité, lui permettant de « ralentir le temps » et de s’immerger dans des régions peu connues, loin des sentiers battus. « C’est tout cela réunis, qui me fait aimer la marche longue distance, » confie-t-il.


Embrasser l’incertitude


L’attrait pour l’inexploré a poussé Jérémy Bigé vers les territoires reculés de l’Asie Centrale, une décision alimentée par le désir de fusionner solitude, distance, et aventure dans un lieu à peine effleuré par les récits contemporains.

« Sur ce projet, je voulais réunir la solitude, la longue distance et monter d’un cran au niveau de l’aventure donc essayer d’aller à un endroit où il n’y avait pas trop de retours d’expérience ou de compte rendu ».

“ Pour se sentir vivant, il faut laisser monter les émotions “

Inspiré par le périple d’Ella Maillart, une exploratrice suisse, qui avait traversé le Kirghizstan en 1932, Jérémy a voulu élaborer son itinéraire avec un processus méticuleux, regroupant les récits historiques, les cartographies soviétiques et les observations satellites. « Je me suis dit que ça serait trop chouette d’aller voir ces endroits surtout qu’en 90 ans, beaucoup ont dû évoluer. J’étais comme un enfant… je me prenais au jeu de décrire dans mon carnet le nom des cols qui n’étaient pas sur les cartes. Progressivement, le projet a pris de l’ampleur et puis je me dis qu’il était peut-être possible de marcher du Kirghizistan jusqu’à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan ».


Malgré cette excitation, une ombre de peur et d’appréhension n’a pas manqué de l’accompagner.



La conscience des risques inhérents à un tel projet en solitaire a renforcé chez lui la prudence et le respect pour l’immensité des défis à relever. « Oui, j’avais peur… quelqu’un qui n’aurait pas peur ne serait pas humain et irait tout droit au casse-pipe parce que la peur c’est sûrement un sentiment qui permet de se canaliser, de ne pas dépasser ses limites. C’est d’autant plus important que quand on marche tout seul, on ne peut compter que sur soi-même, » admet-il.


La richesse des rencontres humaines


Au cœur de son expédition en Asie Centrale, Jérémy a découvert que l’imprévisibilité de son voyage était finalement enrichie par les rencontres humaines, transformant les défis en moments de partage inestimables.


Souvent confronté aux aléas de la météo et à la rudesse des terrains, les mains tendues des locaux ont été, pour lui, un pilier de son aventure. « C’est sûr que s’il n’y avait pas eu tous ces gens dans les montagnes, je ne serais pas arrivé à Douchanbé ». Cette interaction constante avec les nomades, qui l’accueillaient chaleureusement et partageaient leurs connaissances des cols et des vallées, a non seulement facilité sa traversée mais a également enrichi son expérience, rendant chaque jour unique. « C’était presque un confort mental de me dire que j’allais croiser des nomades à la fin de ma journée et qu’avec un peu de chance j’allais manger au chaud, ou qu’ils allaient me donner des indications sur le prochain col. Parfois, ces moments de réconfort, on les retrouve dans des situations banales. Un jour, je me retrouve sous un gros orage en montagne et je tombe nez à nez avec un berger qui n’était pas redescendu pour se mettre à l’abri. Et de voir cette présence, ça m’a rassuré ».


La solitude, bien que partenaire constante de son voyage, était ponctuée de ces moments de connexions humaines qui ont allégé le poids des kilomètres parcourus seul. Si j’avais marché en groupe, ça ne serait jamais arrivé parce qu’en groupe on reste dans une zone de confort. En étant seul, je suis aussi plus vrai dans la gestion de mes émotions. Je vais moins me cacher. Ce n’était pas de la souffrance, c’est simplement que je pars du principe que pour se sentir vivant, il faut laisser monter les émotions, qu’elles soient jubilatoires ou tristes mais c’est cette association d’émotions qui permet de se sentir vivant. J’y allais vraiment pour ça aussi, pour aller cueillir ce ressenti sur le chemin ».


Ainsi, Jérémy a réussi à trouver un équilibre entre l’ouverture aux rencontres enrichissantes et son désir de solitude pour s’immerger pleinement dans son expérience. Un voyage à la fois intime et partagé.


Arrêté par la police militaire au Tadjikistan


Ces rencontres lui ont aussi permis d’assurer sa progression beaucoup confortablement, profitant de la générosité des locaux croisés en chemin. « Quand je prépare une marche, j’essaye de repérer des villages que je vais traverser ponctuellement dans le but de me ravitailler. J’essaye de prendre environ 5 jours de nourriture avec moi. Mais à chaque fois que j’étais invité chez les gens, ils m’invitaient à manger et en plus ils me donnaient du pain, du miel ou des biscuits. Ils tenaient absolument à me donner quelque chose ».


Si Jérémy a pu profiter de la générosité des populations locales, il a, en revanche, eu moins de chance avec les forces de l’ordre. Dans un épisode marquant de son aventure en Asie Centrale, il se trouve face à un défi inattendu, loin des sentiers et des cols escarpés qu’il avait appris à maîtriser. En tentant de récupérer ses lunettes perdues, Jérémy se fait arrêter par un militaire au Tadjikistan, un incident déclenché par les tensions persistantes entre le Tadjikistan et le Kirghizistan. Ce moment tendu, qui aurait pu mal tourner compte tenu de la situation politique complexe de la région, se résout après quelques heures d’incertitude. « C’est un moment où la situation ne dépendait plus de moi, surtout que j’étais au Tadjikistan, dans un pays qui est une dictature. Je m’imaginais une arrestation et aller dans les cachots de Douchanbé. Finalement, ça s’est bien terminé et j’ai pu repartir dans les montagnes pour aller chercher mes lunettes que j’ai retrouvées accrochées à un arbre, après 40 kilomètres de marche ».


Peu avant, Jérémy, cette fois accompagné d’Aubin, un copain venu le rejoindre après plus de 60 jours seul, fait face à une menace d’un autre type – une rencontre avec un ours dans le Kirghizistan. Toutes ces expériences ajoutent une couche supplémentaire à son aventure, démontrant aussi que les défis d’une telle entreprise ne sont pas seulement physiques mais aussi psychologiques et parfois diplomatiques. Après 90 jours d’une aventure exceptionnelle à travers les sentiers montagneux du Kirghizistan et du Tadjikistan, l’arrivée de Jérémy à Douchanbé a été un moment empreint d’une profonde fierté. 


Une fierté ne découlait pas seulement de l’accomplissement physique et mental représenté par un tel périple, mais aussi de sa capacité à se fixer et atteindre des objectifs ambitieux, jour après jour, jusqu’à ce point d’arrivée. « Quand j’arrive à Douchanbé, je vois tout ce que j’ai parcouru depuis Karakol au Kirghizistan et là j’éprouve énormément de fierté. Aussi la fierté d’avoir tracé ma route. Mais je n’ai pas éclaté en sanglots non plus. Et même si je n’avais pas atteint Douchanbé, j’en aurais tiré du positif quand même ».


Cap sur l’Himalaya


Après cette formidable aventure à l’été 2022, Jérémy envisage désormais son prochain défi : une traversée de l’Himalaya qui promet d’être aussi audacieuse et engagée que ses précédentes aventures. Prévu de s’étendre d’août à novembre, ce voyage le mènera des confins de l’Inde jusqu’au Népal, suivant une logique similaire à celle qui l’a guidé à travers les steppes et montagnes du Tadjikistan et du Kirghizistan. Pour lui, le processus de planification est presque aussi enrichissant que l’expédition elle-même, une carte en main devenant le catalyseur d’une imagination fertile et la promesse d’aventures à venir. « Un projet commence souvent par une carte. C’est un peu la projection de voyage. Tu caresses le papier du doigt et t’as l’impression de t’imaginer. Ça plante la graine ».





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