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Frédéric Desfrenne : " La cabane est l'ennemi suprême de notre monde consumériste "

Dernière mise à jour : 27 sept.

Souvent perdues au fond des bois ou dissimulées dans les massifs montagneux, elles sont depuis longtemps des joyaux cachés, offrant un abri chaleureux aux randonneurs avides d'une nuit à l'écart de la civilisation ou d'une échappée improvisée hors des sentiers battus. Ces cabanes incarnent l’esprit même de la liberté.


En plein confinement, alors que l'envie d'évasion se faisait sentir plus forte que jamais, Frédéric Desfrenne se remémorait ses précédentes escapades encabanées. Inspiré par les lectures de Tesson et animé par le désir de partager ses découvertes, il créa le compte Instagram "Une Cabane, une Aventure par Jour", où il partage régulièrement ses trouvailles avec une communauté grandissante de passionnés. En 2023, il a synthétisé tout son travail dans un ouvrage intitulé "Micro-aventure Cabanes non gardées - Des lieux insolites pour s'ensauvager", ce guide est bien plus qu'un simple recueil de conseils : il est une invitation à l'aventure, à la découverte de lieux secrets et mystérieux, laissés au bon vouloir des marcheurs respectueux.



Dans son guide, Frédéric souligne que chacun peut être attiré par les cabanes pour des raisons différentes : dépasser sa zone de confort, s'éloigner de l'immédiateté de notre époque fébrile, retrouver le silence ou simplement passer du temps entre amis dans un cadre authentique. Quelle que soit la motivation, les cabanes offrent un refuge, un havre de paix où l'on peut se ressourcer loin du tumulte de la vie moderne.

Le guide propose une sélection de 20 cabanes, soigneusement choisies pour leur charme et leur accessibilité, accompagnées de suggestions de treks et d'abris alternatifs. Il regorge également d'informations pratiques, de conseils de préparation, d'une sélection d'applications utiles et même de recettes faciles pour les aventuriers en herbe. En mai 2024, un second ouvrage verra le jour et sera agrémenté de trek pour se rendre de cabanes en cabanes.


Avec ces guides, Frédéric Desfrenne souhaite encourager chacun à quitter les sentiers battus pour partir à la découverte de ces lieux exceptionnels. Car comme le dit si bien Sylvain Tesson, "tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera vraiment perdu".


Interview :


Vents d’Aventures : Dans votre ouvrage, vous suggérez que les individus sont attirés vers les cabanes pour diverses motivations. Pouvez-vous partager les raisons personnelles qui vous ont amené à explorer ces refuges ?


Frédéric Desfrenne : Effectivement, fin 2020, en raison de la pandémie liée au Covid-19, notre liberté était restreinte, mais on bénéficiait encore de petits moments d'évasion, encadrés par des autorisations officielles. Nous avions le droit à 3 heures de sortie dans un périmètre de 3 kilomètres. Vivant dans le massif de Belledonne, j'ai découvert qu'une cabane était accessible dans le périmètre autorisé. Les cabanes ont toujours eu une place spéciale dans ma vie, mais ce jour-là, je suis monté dans avec mon chien et je me suis rappelé une citation de Sylvain Tesson : “ Tant qu’il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera complètement perdu “. Et à ce moment-là, on était tous un peu perdus. C’est aussi l’époque où on partageait beaucoup notre quotidien sur les réseaux sociaux et c’est en redescendant de cette cabane (Le habert des sabottes) que j'ai partagé mon expérience sur les réseaux sociaux, ne m'attendant pas à l'écho qu'elle trouverait. Ce refuge, à la fois ouvert et accueillant, incarnait un havre de paix inattendu.


VDA : On peut dire que nous étions tous “encabané” à cette période mais vous, vous avez recherché un autre type d'encabanement. Qu'avez-vous retiré de cette expérience ?


FD : Les cabanes nous rappellent nos besoins fondamentaux et nos instincts les plus primitifs de recherche d'abri. Elles nous confrontent à notre fragilité et à notre essence même. Pour moi, elles représentent une pause, une évasion de la réalité quotidienne, offrant réconfort et réassurance face à l'impermanence de la vie. Selon moi, les cabanes sont une forme de consolation pour l’homme. Encore une fois, je fais écho à la citation de Tesson, c’est immuable, ça nous survivra. Je trouve cela très rassurant.


VDA : En renommant votre compte Instagram, cherchiez-vous à documenter votre vie ou plutôt à encourager les autres à rechercher ces moments de solitude et de découverte ?


FD : L’idée n’était pas de partager mon quotidien car il n’a pas grand intérêt mais je voulais inciter les gens à quitter les grandes routes pour aller chercher les sentiers comme le font Tesson et d’autres. Dans un monde dominé par l'immédiateté, les cabanes et la marche représentent un retour à l'essentiel, un moyen de renouer avec les gestes simples de la vie : préparer son couchage, veiller sur le feu. Souvent les gens disent qu’il y a une surfréquentation en montagne, c’est vrai qu’il y a un nouveau public. Mais je pense qu’au-delà de ça, il y a quand même une prise de conscience qu’il faut fuir d’une certaine manière. Moi, je suis un peu dans la fuite, je le dis très sincèrement et que l’environnement de la nature et du sauvage nous fait prendre conscience qu’il existe autre chose et que ce monde n’a pas toujours ressembler à ce qu’il ressemble maintenant. 


VDA : Comment expliquez-vous l'attrait persistant pour ces cabanes rudimentaires, surtout à une époque où le confort moderne est de plus en plus recherché ?


FD : Je crois que cet attrait est multifacette, souvent ancré dans notre enfance. Les cabanes symbolisent un retrait du monde, une simplicité volontaire qui contraste avec notre société de consommation. Elles nous offrent une pause, une connexion plus authentique avec les autres et avec nous-mêmes. Alors évidemment, une cabane c’est quoi ? Une table, des chaises et un poêle, c’est même plus que spartiate, disons les choses comme elles le sont, c’est vraiment inconfortable. On y dort mal. Je pense que c’est l’idée d’échapper au système. La cabane est l’ennemi suprême de notre monde consumériste. La cabane est un acte solitaire mais c’est aussi une façon de renouer avec des vrais liens parce qu’on a peu ou pas de réseau téléphonique, qu’on se retrouve à discuter, à couper du bois ensemble, à faire des jeux de société, à lire. On s’est débarrassé de pleins de superflus pour retrouver ce qui a fait l’humanité pendant des siècles.


VDA : Qu'est-ce que ces refuges vous apportent sur le plan personnel ?


FD : Une liberté. Pas d’entrave. Pas de compte à rendre. C’est principalement ça la simplicité. Ils me procurent un sentiment de liberté et de simplicité. C'est une invitation à l'introspection, à s'interroger sur ce qui compte réellement dans la vie.


VDA : Quelle distinction faites-vous entre une cabane et un refuge ?


FD : La différence est simple. Les refuges offrent des services supplémentaires, comme des douches ou des dortoirs, tandis que les cabanes proposent une expérience plus brute et authentique.


VDA : Comment peut-on préserver ces lieux pour les générations futures ?


FD : J'ai proposé une charte du cabaneur, adoptée par une association dédiée à la préservation de ces espaces qui s’appelle “Tous à poêle”. Déjà, il faut savoir qu'on est simplement des passeurs dans les cabanes. On ne s’approprie pas une cabane. Il s'agit surtout de respecter le lieu, de le laisser dans un meilleur état que nous l'avons trouvé, en effectuant de petites réparations si nécessaire et en emportant nos déchets.


VDA : La marche ou le voyage vers ces cabanes fait-il partie de l'aventure ?


FD : Absolument, la randonnée et l'approche font intégralement partie de l'expérience. Trouver la cabane est une aventure en soi, une occasion de découvrir la beauté cachée sur le chemin.


VDA : Votre second livre offre-t-il une nouvelle perspective sur ces escapades ?


FD : Oui, ce tome plus conséquent, enrichi par des illustrations et des cartes détaillées, guide le lecteur à travers des treks de cabane en cabane, proposant une immersion dans l'esprit d'aventure et l'itinérance. C’est un livre édité avec le label et la collaboration de la fédération française de randonnée. On a travaillé avec illustrateur donc on a des cartes qui sont sublimes.


VDA : Quelle est votre vision de l'avenir pour l'exploration de ces cabanes et leur rôle dans notre rapport à la nature ?


FD : L'avenir semble prometteur. L'intérêt croissant et l'engagement de nombreuses associations démontrent une prise de conscience collective de la valeur patrimoniale de ces espaces. La préservation et la valorisation des cabanes contribuent non seulement à protéger notre héritage mais aussi à encourager une relation plus respectueuse et contemplative avec la nature. En renforçant notre connaissance et notre lien avec ces lieux, nous assurons leur pérennité pour les générations futures, tout en ouvrant des pistes vers une compréhension plus profonde de notre propre place dans le monde.






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